Commonwealth des nations / États-Unis

Photo d’en-tête : Avion de chasse britannique abattu à Merl, en banlieue de la Ville de Luxembourg. © ANLux 005‑01‑107

On estime que plus de 300 appareils alliés – bombardiers et avions de chasse – furent abattus au‑dessus du Luxembourg durant la guerre, ainsi que plusieurs centaines dans les Ardennes belges. Ces appareils faisaient partie des campagnes aériennes alliées, comme les bombardements et l’opération de libération de l’Europe occidentale. Cet espace aérien était une cible fréquente des défenses antiaériennes allemandes et de la Luftwaffe. Beaucoup d’avions s’écrasèrent dans les forêts et les champs ; certains membres des équipages survécurent, d’autres furent capturés ou périrent tragiquement.

Les aviateurs alliés ayant sauté en parachute et atterri en sécurité étaient souvent cachés initialement par des fermiers ou des civils, puis remis à la résistance, qui les gardait dans un réseau de maisons sûres. Ils étaient ensuite conduits en Belgique puis remis à l’Armée Blanche belge pour être rapatriés en Angleterre via des routes éprouvées traversant la France, l’Espagne et le Portugal.

Pierre Schon et ses compagnons de la LPL aidèrent plusieurs de ces aviateurs alliés, leur fournissant de fausses identités ; Pierre allait jusqu’à céder ses propres vêtements pour qu’ils puissent passer pour des civils. En avril 1943, après avoir fui la Gestapo, il opérait depuis le côté belge de la frontière. Voici des exemples tirés des archives des États-Unis.

Début décembre 1943, Pierre cacha un pilote canadien dont l’avion s’était écrasé à Haversin‑Buissonville, dans les Ardennes belges. Il s’agissait de David Smith, originaire de Winnipeg. Pierre s’occupa de lui durant 3 à 4 jours, lui fournit des vêtements civils – notamment une gabardine – dans le Petit Café de Havrenne (Rochefort), puis le remit à Jan Collard à Bastogne. Dix jours plus tard, le pilote partit pour Bruxelles en compagnie de Jules Dominique, figure connue de la Résistance et recruteur de Pierre.

Le 4 février 1944, Aloyse Kremer remit trois pilotes américains à Pierre. Leurs noms : Joe Kerpan, Robert Korch et Donald Toye, ce dernier originaire de l’Oregon. Ils furent conduits à travers la frontière avec quarante Luxembourgeois. Pierre leur fournit de fausses cartes d’identité et donna à l’un d’eux son nouveau manteau en gabardine. Selon Donald Toye, les trois aviateurs prirent le train pour Bastogne et furent, le soir même, emmenés à Herve par le curé du village, où ils restèrent cinq jours dans sa maison. Le prêtre était le chef d’un groupe de résistance. Ils reçurent de fausses pièces d’identité et, le 24 avril, furent transférés dans un camp de maquis de l’Armée blanche. Pierre confirma que le camp, ou maquis, où ils avaient été conduits était le camp de Haversin, dirigé par la résistance belge.

Au printemps 1944, à l’approche de l’invasion alliée de la France, la ligne Comète, en concertation avec MI9, décida de cesser les évacuations et de regrouper les aviateurs dans des Maquis, où ils pourraient attendre l’arrivée des armées alliées.

Le 5 février 1944, un bombardier américain atterrit près de Ottré Vielsalm, près de Bastogne en Belgique. Pierre, accompagné de ses camarades Jos Tholl et Paul Cormotte, partit à la recherche du lieu du crash et retrouva le mitrailleur de l’avion. Ils l’habillèrent avec de nouveaux vêtements civils et le confièrent à François Charlier à Hebronval, où les six autres membres de l’équipage avaient été rassemblés. Les pilotes furent ensuite hébergés à l’Institut des Sourds-Muets de Sierneux. Malheureusement, l’établissement fut victime d’une descente de la Gestapo, et on ne sait pas clairement ce qu’il est advenu des sept aviateurs par la suite.

En juin 1944, Aloyse Kremer et Pierre Kergen firent passer trois pilotes – Edgar Michaud (Canadien), Alan Best et Ronald Dawson (Britanniques) – depuis Luxembourg jusqu’à Limerlé, en Belgique. Ils avaient été cachés à la ferme de la famille Schon. Pierre leur fournit de faux papiers et 200 francs chacun. Ils furent ensuite conduits au Maquis du Lion Rouge, dirigé par Jules Dominique. Deux poursuivirent leur route, tandis qu’Alan Best resta avec le maquis jusqu’à la libération.

Photo : De gauche à droite – Eugène et Aloyse Kremer (LPL), Pierre Schon (LPL), Edgar Michaud (aviateur canadien), Pierre Kergen (LPL), Ferd Hansen (réfugié de Clervaux), Alan Best (aviateur britannique), Ronald Dawson (aviateur britannique) et Batty Mutsch (LPL). Le groupe venait d’arriver de Luxembourg à la gare de Limerlé (Belgique).

Photo fournie par le Musée national de la Résistance et des Droits humains, Luxembourg.

En mai 1944, Jos Racke confia à Pierre un pilote canadien. Pierre lui donna de faux papiers et 500 francs, et l’accompagna de la frontière belge avec Michel Kirtz. Le pilote fut remis au maquis où il resta jusqu’à la libération.

Peu après la guerre, Pierre reçut deux lettres de remerciements officielles : l’une signée par le général Eisenhower (États-Unis), l’autre par le commandant adjoint des forces expéditionnaires alliées (Commonwealth), exprimant leur gratitude pour son aide aux soldats et aviateurs alliés dans l’évasion de l’ennemi.

En printemps et été 1944, on comptait environ 20 maquis actifs dans les Ardennes belges, qui intensifièrent leurs actions de sabotage à mesure que les troupes alliées progressaient à travers l’Europe. Ces camps étaient composés de Belges et de Luxembourgeois courageux, ces derniers ayant fui la conscription forcée dans l’armée allemande ou étant d’anciens prisonniers politiques en cavale. Pierre Schon, chef du maquis près de Lavacherie, et ses maquisards, faisaient partie de ce réseau très actif.

Ces camps étaient bien plus qu’une simple nuisance pour l’occupant nazi : ils perturbaient en permanence des lignes d’approvisionnement vitales. À peine une ligne de chemin de fer ou une route stratégique était-elle réparée qu’un nouvel acte de sabotage venait la détruire à nouveau.

Plusieurs camps furent découverts, attaqués et démantelés à la suite de trahisons ou de reconnaissances effectuées par les forces allemandes. Parmi eux : le Camp de Chenet, le Camp d’Ebly, le Camp de Genevaux, le Camp de Lierneux, le Camp de Mussy et le Camp de Rulles. De nombreux résistants furent blessés ou tués lors des combats, d’autres capturés et exécutés, et quelques chanceux furent envoyés dans des camps ou prisons d’où ils survécurent jusqu’à la libération. (Source : Pierre Kergen, membre de la résistance LPL)

En mai 1945, le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées en Europe et artisan de la libération de l’Europe de l’Ouest, résuma l’importance des mouvements de résistance en soulignant leur rôle stratégique dans le succès des opérations alliées.
« La perturbation des communications ferroviaires ennemies, le harcèlement des déplacements routiers allemands et la pression constante et croissante exercée sur les services de sécurité allemands à travers toute l’Europe occupée ont joué un rôle très important dans notre victoire totale et définitive. »

La ferme de la famille Kergen se trouvait dans le petit village de Sassel, à seulement 7 km de Clervaux et 9 km de Doennange, où la famille Schon possédait également une ferme. En juillet 1941, à l’âge de 19 ans, le fils aîné, Pierre Kergen, fut accueilli dans le groupe LPL Nord par son cofondateur Josy Fellens. Vrais patriotes, les Kergen maintinrent deux cachettes sur leur propriété et, au péril de leur vie, abritèrent des dizaines et des dizaines de fugitifs entre 1941 et 1944.

Comme son homonyme Pierre Schon, Pierre Kergen devint un passeur chevronné, escortant plus d’une centaine de personnes en sécurité à travers la frontière belge. Avec ses fidèles compagnons Eugène Kremer et Batty Mutsch, l’équipe acquit rapidement une réputation de courage et d’efficacité.
Outre ses activités de passeur, Kergen occupa aussi la fonction d’agent de liaison pour le renseignement, dans un réseau clandestin belgo-luxembourgeois, tout comme Pierre Schon, et fut également membre de la résistance belge pendant une courte période.

À partir de 1943, les deux Pierre collaborèrent étroitement. Depuis la Belgique, Schon recevait et guidait les fugitifs que Kergen et ses compagnons avaient fait passer du Luxembourg, poursuivant leur voyage vers des camps de résistance cachés dans les forêts. Tous deux furent contraints de fuir vers la Belgique lors de la contre-offensive allemande et passèrent les derniers jours de 1944 ensemble, non plus en tant que résistants actifs, mais en se faisant passer pour réfugiés.

Clervaux et les villages environnants furent libérés pour la première fois par les forces américaines le 10 septembre 1944, permettant à la population des Ardennes luxembourgeoises de goûter enfin à une liberté tant attendue. Les habitants accueillirent leurs libérateurs américains à bras ouverts, une marque de gratitude qui n’échappa pas à une unité SS surveillant le village frontalier de Kalborn.

Le 22 septembre, dans le brouillard matinal, les SS firent une descente sur la maison des Hoelpes, où plusieurs familles s’étaient réfugiées dans la cave. Frustré par leur retraite jusqu’à la frontière allemande, le commandant SS, désireux de se venger, décida de punir la population locale. Les soldats forcèrent les habitants à sortir de la maison et, sans pitié, exécutèrent sept jeunes hommes sous une pluie de balles. Leurs corps s’effondrèrent dans un petit étang. Parmi les victimes se trouvaient quatre frères de la famille Hoelpes. Un cinquième frère, âgé de seulement treize ans, fut épargné à la dernière minute, le commandant SS le jugeant trop jeune pour être fusillé.

Le massacre provoqua une onde de choc dans toute la région. Lorsque les Allemands lancèrent leur contre-offensive le 16 décembre, le souvenir de cette atrocité poussa de nombreux jeunes hommes à fuir vers la Belgique, préférant l’incertitude de l’exil au risque d’exécution par les nazis de retour. L’événement laissa une trace indélébile chez les survivants. Pierre Schon, révolté par ce drame, parlera du massacre insensé de ces jeunes hommes sans défense.

De mi-septembre à mi-décembre 1944, de nombreuses fermes de la région de l’Oesling hébergèrent les troupes américaines, offrant des chambres, granges et dépendances comme logements. Pierre, qui parlait assez bien l’anglais, échangea régulièrement avec les soldats américains. Ils partageaient une même compréhension du combat armé : tous affrontaient le même ennemi.

Les Allemands lancèrent leur contre-offensive surprise dans la matinée du 16 décembre. Pendant la nuit du 16 au 17 décembre, les troupes américaines reçurent l’ordre radio de se replier. Pierre réagit immédiatement, quittant les lieux avec les Américains, sachant qu’il lui faudrait fuir à nouveau en Belgique pour éviter une mort certaine en cas de retour soudain des nazis.

Pour rendre service au C.I.C., (Counter Intelligence Corps – service de renseignement der l`armée americaine), Pierre accepta de guider les convois de réfugiés, de plus en plus nombreux, vers la sécurité en Belgique. Ces convois étaient constitués de civils à pied, de personnes avec des bicyclettes ou des charrettes tirées par des chevaux, tous partant dans la précipitation, laissant tout derrière eux.

Photo © ANLux 005-01-147

Les personnes souhaitant fuir se réunissaient à des points de rendez-vous convenus. Pendant ce temps, on entendait le canon au loin. Cette fois, la frontière belge était ouverte, mais pour combien de temps encore? Il fallait partir vers l’ouest, et vite.

Du 16 au 18 décembre, bien que faiblement équipé et en infériorité numérique, le 110e régiment d’infanterie de la 28e division américaine opposa une résistance farouche à Clervaux, ralentissant l’avancée allemande et gagnant un temps précieux pour permettre aux renforts alliés de se mobiliser. Cela donna également à Pierre et aux convois luxembourgeois un précieux délai supplémentaire pour mettre de la distance entre eux et l’armée allemande avançante.

Ne sachant pas à quelle vitesse les troupes allemandes allaient progresser, Pierre incita ceux à pied à prendre le train aussi loin vers l’ouest que possible. Bien que les trains fussent bondés, beaucoup réussirent à se faufiler à bord des rares convois encore en circulation. Le groupe convenait de se retrouver plus loin, à un point de ralliement prédéfini.

Ceux qui voyageaient en charrettes à chevaux ou à bicyclette empruntaient la route principale en direction de Houffalize, poursuivant vers La Roche, croisant d’innombrables camions militaires américains en route pour les lignes de front. Une longue procession de centaines de réfugiés s’étirait le long de la route, tous se dirigeant vers la sécurité.

La destination évidente était Marloie et le réseau de maisons sûres et de fermes de confiance mis en place par Jean Boever. Là, les convois pouvaient se reposer un moment, se réapprovisionner, et nourrir les chevaux.

Le 19 décembre, l’armée allemande reprit le contrôle de tout le nord du Luxembourg et la redoutée Gestapo fit son retour, prête à infliger la punition maximale aux populations locales et à quiconque était suspecté de soutenir les Alliés. Durant ces six longues semaines d’occupation, plus de 120 personnes furent arrêtées et 39 exécutées ou déportées. Les fermes voyaient de nouveau leurs maisons et granges occupées par les soldats allemands. Les habitants faisaient bonne figure, feignant la coopération tout en espérant secrètement un retour rapide des Alliés.

Siège de Bastogne
Le 20 décembre, quand les Allemands repoussèrent vers la Belgique et encerclèrent Bastogne, des éléments de la 101e division aéroportée américaine, renforcés par la 10e division blindée, défendirent la ville malgré l’encerclement, le sous-effectif et la pénurie de ravitaillement. Le siège fut finalement levé le 26 décembre, lorsque la 3e armée du général Patton brisa les lignes allemandes pour libérer les défenseurs. Cet épisode est souvent considéré comme un tournant décisif pour les Alliés dans la bataille des Ardennes.

Carte montrant l’étendue de la contre-offensive allemande en Belgique – Carte Padresteve

Les groupes de refugiés durent continuer vers l’ouest. Le 21 décembre, les Allemands atteignirent déjà Rochefort, à l’ouest de Marloie, alors que les convois se dirigeaient vers Beauraing puis Dinant pour franchir le pont de la Meuse avant qu’il ne soit fermé aux civils. Entre Dinant et Rochefort, seuls 30 km les séparaient de l’armée allemande.

Le froid glacial compliquait encore davantage leur périple : les températures descendaient souvent bien en dessous de zéro, aggravant les souffrances des réfugiés. Le 23 décembre, la brume persistante se dissipa enfin, laissant place à un ciel bleu clair traversé par des avions alliés, venus appuyer les troupes au sol et frapper les positions et lignes de ravitaillement allemandes — un tournant crucial pour la bataille.

En approchant de Dinant, les réfugiés croisèrent de nombreux renforts britanniques convergeant vers le front pour repousser l’armée allemande. L’intensification de la présence alliée redonna espoir aux groupes.

Ils dormirent sur les planchers d’écoles, de fermes ou même dans des granges. Des habitants généreux et les centres d’accueil pour réfugiés leur fournirent nourriture. Avec l’argent qu’ils avaient, ils achetaient ce qu’ils pouvaient une fois leurs provisions épuisées.

Après avoir traversé la Meuse, les réfugiés se dirigèrent vers Philippeville. Les 22 et 23 décembre, beaucoup se rassemblèrent dans un château à Anthée, autour d’un grand feu, où un café chaud les attendait. Des visages familiers surgirent, leur offrant du réconfort.

Épuisés, une soixantaine de réfugiés passèrent la nuit sur le plancher d’une école chauffée — un soulagement après des jours de froid et d’incertitude. Dans les jours qui suivirent, ils se répartirent en groupes plus petits, facilitant l’accès à un toit. Certains trouvèrent même du travail dans des fermes en échange de repas et d’un toit.

Un récit journalier détaillé du périple de Pierre Kergen vers la sécurité figure dans son livre de 2002 : Kriegserinnerungen eines Oeslinger Resistenzlers.

Fin décembre, Pierre Schon et Pierre Kergen — tous deux surnommés affectueusement « Pierchen » (« petit Pierre ») — décidèrent de prendre le train vers Charleroi. Leur première halte fut un centre d’accueil, où ils présentèrent leurs cartes de réfugiés et reçurent des bons alimentaires censés durer dix jours — qu’ils épuisèrent en moins de deux jours !

Cette nuit-là, ils dormirent entièrement vêtus dans l’auberge de la ville, sans frais. Le lendemain, ils s’aventurèrent en ville, profitant de l’atmosphère animée et des vitrines, une sensation inconnue après des mois de cachette dans les Ardennes.

Quelques jours plus tard, ils prirent le train jusqu’à Bruxelles, où ils revinrent au centre d’accueil pour obtenir d’autres bons alimentaires. Ils avaient prévu de poursuivre jusqu’à Anvers, mais renoncèrent en apprenant que la ville était encore visée par les bombes volantes V‑1, qui terrorisaient aussi les civils londoniens.

Ces escales furent une distraction bienvenue, mais les deux hommes s’inquiétaient toujours pour leurs familles, à nouveau sous contrôle allemand dans les Ardennes luxembourgeoises. Pendant son séjour à Bruxelles, Pierre Schon a profité de l’occasion pour retrouver Alphonse Rodesch et se rendre à l’ambassade afin de discuter des autorisations de voyage nécessaires pour le retour des réfugiés luxembourgeois dans leur pays. À l’époque, la région des Ardennes était divisée en plusieurs zones militarisées, ce qui rendait les autorisations de déplacement obligatoires.

Fin décembre, des nouvelles de la libération de Bastogne et des avancées alliées contre les Allemands commencèrent à filtrer. Cela redonna foi et espoir aux deux hommes, qui envisagèrent bientôt de revenir chez eux.

Dans la dernière semaine de janvier, de nombreux réfugiés entamèrent le retour au Luxembourg. Sur leur route, ils furent choqués par la destruction massive qu’ils découvrirent dans des villes comme La Roche ou Houffalize, signes des combats acharnés et des bombardements intensifs. Ils ne s’attendaient pas à une dévastation aussi sévère.

Ils se demandèrent ce qu’ils trouveraient en revenant chez eux, dans les Ardennes luxembourgeoises. Pierre atteint finalement la ferme familiale le 1er février 1945. Six semaines d’expérience éprouvante…

À l’arrivée, plusieurs maisons en périphérie de Doennange avaient été détruites par l’artillerie. Une douzaine de chevaux morts jonchaient un champ dominant le village : Pierre a aidé de les enterrer. Un canon américain était encore installé sur la colline au-dessus de la ferme. Les environs — Wiltz, Clervaux, Troisvierges, Ettelbruck, Diekirch — avaient été ravagés par des combats acharnés et les bombardements.

Lorsque l’Allemagne lança sa contre-offensive, son frère aîné, Nic, attela rapidement la charrette à chevaux pour rejoindre les convois fuyant vers la Belgique. Encore traumatisé par son arrestation et son interrogatoire récents par la Gestapo, il recherchait la sécurité pour lui-même, sa femme Albertine, leur fille de quatre ans Clothilde, et leur bébé de trois mois, Ferdinand. Avec la neige qui couvrait les routes et Ferdinand manifestant des signes d’infection pulmonaire, le voyage était périlleux. Un fermier belge bienveillant, près de Gouvy, les accueillit. Tragiquement, Ferdinand décéda deux semaines plus tard, à une époque où les antibiotiques n’étaient pas encore largement disponibles, surtout pas dans une Europe dévastée. Il fut enterré dans un petit cercueil au bord du cimetière local, en attendant de pouvoir être rapatrié à Doennange, pour reposer au cimetière familial.

Les atrocités perpétrées par la SS se poursuivirent jusqu’au printemps 1945.

Le 24 décembre 1944 (veille de Noël), en représailles à une attaque commise quelques mois auparavant par des maquisards belges — qui avait coûté la vie à trois soldats allemands en septembre — 34 civils du village de Bande furent exécutés par le Sicherheitsdienst (SD), la branche renseignement et sécurité de la SS. Lors de la réoccupation durant l’offensive des Ardennes, les victimes furent arrêtées, conduites dans une cave située le long de la route N4, puis fusillées systématiquement. Leurs corps furent laissés sur place. Leurs corps furent laissés sur place.

Un seul homme survécut : Léon Praile, qui s’enfuit dans les bois. Libéré par les Britanniques le 10 janvier 1945, les corps furent retrouvé par une équipe militaire belgo-canadienne ; les victimes furent réinhumées lors d’un service funèbre collectif le 18 janvier 1945. Bande est l’une des zones où Pierre Schon et son maquis furent actifs.

Le massacre de Sonnenburg (aujourd’hui Słońsk, en Pologne) eut lieu dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945, quelques jours seulement avant l’arrivée des troupes soviétiques. À l’approche de l’armée rouge, des SS exécutèrent 819 prisonniers dans la prison de Sonnenburg, dont 91 jeunes Luxembourgeois qui avaient été conscrits de force dans l’armée allemande, puis arrêtés pour résistance ou désertion. Parmi les autres victimes figuraient des Français, Néerlandais, Belges, Polonais, Russes et des Yougoslaves.

L’exécution collective, un ultime acte de répression, visait à faire taire toute résistance et éliminer les témoins. Les prisonniers furent abattus dans la cour de la prison, leurs cadavres laissés sur place jusqu’à ce que les Soviétiques libèrent le site le 2 février 1945, ne retrouvant que quatre survivants.

Ce massacre demeure l’un des événements les plus tragiques de l’histoire du Luxembourg. Il est commémoré chaque année, tant au Luxembourg qu’en Pologne, à travers des cérémonies et des dépôts de gerbes à Luxembourg-ville et à Słońsk.

La guerre, barbare et implacable, ne fait pas de vainqueurs véritables : seuls les survivants subsistent. Ces deux exemples illustrent qu’au cœur de l’oppression, l’aspiration à la liberté triomphe de tout, mais le prix humain est inestimable.

En 1998, Don Toye, de l’Oregon — l’un des aviateurs américains abattus au-dessus du Luxembourg en 1944 — revint rencontrer les survivants du groupe LPL Nord qui l’avaient aidé 54 ans plus tôt à échapper à l’arrestation. Malgré le temps écoulé, leur immense reconnaissance restait intacte et perdure encore aujourd’hui. Un remerciement sincère est adressé aux libérateurs américains et du Commonwealth, ainsi qu’un respect profond et éternel aux plus de cent mille soldats alliés qui ont donné leur vie pour libérer l’Europe de l’Ouest de l’oppression nazie — afin que nous puissions profiter de la liberté, un droit trop souvent considéré comme acquis, simplement parce que nous ne connaissions rien d’autre.

Ci‑dessous, des photos de la libération initiale du Nord luxembourgeois par l’armée américaine, prises par un photographe militaire US :

En haut à gauche : 12 septembre 1944 – Troisvierges célèbre la libération tandis que des GIs s’arrêtent pour observer. © ANLux FD005‑02‑023
À droite : 22 octobre 1944 – Les soldats de l’infanterie américaine arrivent à Clervaux pour une pause de trois jours, la première depuis juillet 1944. © ANLux FD005‑02‑024

Photos de la contre-offensive allemande (ou bataille des Ardennes), du 16 décembre 1944 au 25 janvier 1945, prises par un photographe militaire américain.

En haut à gauche : troupes allemandes passant devant du matériel américain abandonné. © ANLux FD005‑02‑034
À droite : 20 décembre 1944 – les troupes américaines se regroupent pour défendre Bastogne. © ANLux FD005‑02‑037

En haut à gauche : 22 décembre 1944 – soldats US attendent l’ordre d’avancer à pied pour renforcer le front. © ANLux FD005‑02‑040
À droite : début janvier 1945 – troupes américaines progressant vers le front. © ANLux FD005‑02‑050

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