
Photo d’en-tête : Quartier général de la Gestapo dans la Villa Pauly, à Luxembourg-Ville. © Photothèque de la ville de Luxembourg. Auteur inconnu
La répression de la Gestapo
En 1942, les nazis intensifièrent leur répression des mouvements de résistance, notamment la LPL. Des agents de la Gestapo infiltrèrent le mouvement, entraînant l’arrestation de membres de la LPL à Clervaux et dans les environs. Beaucoup furent envoyés en camps de concentration ou exécutés.
En conséquence, Pierre Schon et cinq jeunes hommes de son village de Doennange furent arrêtés le 5 mai 1942 par la Gestapo et emmenés au quartier général nord à la Villa Conter de Diekirch pour interrogatoire. Pierre passa une nuit en détention, où il fut interrogé pendant trois heures et battu à plusieurs reprises au fouet à crins. Malgré la brutalité des interrogations, il parvint à convaincre ses geôliers qu’il n’était pas impliqué dans la résistance, qui le relâchèrent finalement. Durant cette vague de répression, de nombreux jeunes furent interrogés dans l’espoir qu’ils avoueraient, sous la torture, faire partie de la résistance ou connaître quelqu’un qui y militait.
Le 10 septembre 1942, Pierre fut à nouveau arrêté, cette fois par des douaniers allemands, sous prétexte d’avoir traversé la frontière à Hoffelt. Il fut détenu une nuit à la prison de Troine, sans qu’aucune preuve ne soit retenue contre lui. Là encore, il eut la chance d’être relâché sain et sauf.
Les détenus et suspects étaient interrogés et torturés à la Villa Pauly. Battus et craignant pour leur vie, beaucoup étaient ensuite internés au sous-sol, dans des cellules sombres ne contenant qu’un banc en bois.

© Photothèque de la ville de Luxembourg. Auteur : Tony Krier
Aujourd’hui, une plaque commémorative placée à l’extérieur de la Villa Pauly rend hommage aux résistants torturés sur place pendant l’occupation nazie.

Après ces deux évasions de justesse, Pierre dut réaliser qu’il était désormais sur la liste noire de la Gestapo, que le piège se resserrait, et que son arrestation, voire son exécution, était imminente. Ce moment arriva en avril 1943, lorsqu’il dut user de son ingéniosité, de sa connaissance approfondie des sentiers forestiers et de son réseau pour fuir vers la Belgique, la Gestapo à ses trousses.
Les tentatives de la Gestapo pour infiltrer et démanteler la résistance furent généralisées. Pourtant, la LPL de Clervaux et d’autres groupes parvinrent à protéger leur hiérarchie, notamment grâce à une organisation décentralisée et l’usage de pseudonymes.
La LPL adapta ses méthodes, opérant désormais par cellules plus réduites et recourant à des refuges improvisés.
La grève générale de 1942
La LPL et d’autres mouvements de résistance, s’appuyant sur les renseignements diffusés par Josy Fellens, appelèrent à une grève générale le 30 août 1942, en protestation contre l’annexion du Luxembourg et les projets de conscription forcée. Ceci fut la seule grève à avoir eu lieu dans l’Europe occupée. Elle a commencé dans l’usine de cuir à Wiltz et s’est rapidement étendue à tout le pays. Cette grève fut un acte majeur de désobéissance civile, paralysant l’économie luxembourgeoise plusieurs jours durant. Même si les autorités allemandes tentèrent de réprimer la grève par la force militaire, la solidarité des travailleurs et leur détermination retardèrent sa dissolution.
Après la guerre, Pierre Schon témoigna auprès du Conseil national de la Résistance qu’il avait récupéré plusieurs paquets de tracts à la frontière belge, quatre jours avant la grève, envoyés de Bruxelles par Alphonse Rodesch. Lui et d’autres résistants les avaient diffusés à l’échelle nationale.
Dans son ouvrage « Quatre Années de Lutte » , réédité en 2011 par l’Amicale LPL, Alphonse Rodesch confirme que la LPL avait informé le gouvernement en exil à Londres, le 26 août, via le service radio de la résistance belge « Luc », que, sans contre-ordres, la grève se tiendrait. N’ayant reçu aucune consigne contraire, ils donnèrent le feu vert pour imprimer 10 000 tracts appelant à cesser le travail et à inciter à la désertion des conscrits forcés.
Les nazis ripostèrent violemment, bien plus sévèrement qu’attendu. De nombreux leaders et participants furent arrêtés, des milliers emprisonnés, beaucoup envoyés dans des camps de concentration ou de réinstallation. Au moins 21 personnes furent condamnées à mort, exécutées au camp de concentration d`Hinzert situé à environ 30 km au-delà de la frontière allemande.
Des affiches nazies publièrent au Luxembourg dès le matin les noms des exécutés du jour, afin d’intimider la population.

© Photothèque de la ville de Luxembourg. Auteur inconnu
Pendant cette période, Pierre s’impliqua activement pour collecter des fonds et soutenir les familles des hommes arrêtés par la Gestapo.
Les autorités allemandes imposèrent aussi des mesures de représailles contre les familles : déportations de proches vers des camps de concentration ou de réinstallation.
Malgré cette répression féroce, la grève générale démontra le courage et la résilience du peuple luxembourgeois, marquant une étape majeure dans la résistance contre l’occupation nazie.
Dans son livre, Alphonse Rodesch rapporte qu’un message radiophonique du ministre britannique des Affaires étrangères, Anthony Eden, fut diffusé dès le 7 septembre, s’adressant ainsi au peuple luxembourgeois :
« Nous, en Angleterre, avons suivi avec admiration et sympathie la résistance héroïque contre la tyrannie nazie d’un petit peuple courageux. Vous, les Luxembourgeois, êtes unis dans votre haine du nazisme. Vous avez montré que vous vouliez rester ce que vous êtes : un peuple libre, et par votre courage et votre résistance, vous avez fermement affirmé votre droit à le faire. »
Le gouvernement en exil exploita l’événement pour obtenir une large couverture dans la presse britannique et américaine. Le droit du Luxembourg à l’indépendance et à la liberté fut reconnu par les Alliés.
La conscription forcée
Les Allemands entamèrent la conscription forcée des Luxembourgeois dans l’armée allemande le 30 août 1942. Plus de 10 000 jeunes, âgés de 18 à 24 ans, furent enrôlés contre leur volonté. Plus de 3 000 désertèrent et nombreux rejoignirent la résistance, recourant à des filières d’évasion pour éviter d’être capturés, déportés, ou envoyés au travail forcé — voire exécutés. Plus de 100 furent aidés par Pierre Schon qui leur procura de fausses identités pour fuir vers la Belgique ; certains rejoignirent les rangs alliés.
Près de 3 000 conscrits luxembourgeois perdirent la vie pendant la guerre. Envoyés sur le front de l’Est, un théâtre d’opérations particulièrement mortel, ils devaient faire face aux offensives soviétiques, aux conditions effroyables, et à une mortalité extrêmement élevée : entre 1943 et 1945, 1 900 Luxembourgeois furent détenus dans des camps soviétiques (1 000 à Tambov), dont 165 moururent en camp, 38 à l’hôpital de Kirsanow, et 50 périrent lors de leur retour.
Camp de concentration nazi d’Hinzert
Situé à 30 km de la frontière luxembourgeoise, Hinzert se trouvait sur le plateau du Hochwald, à 550 m d’altitude, surplombant le massif du Hunsrück, entouré de forêts de pins. L’environnement y était humide, venteux, austère et glacé en hiver.
En février 1942, la gestion du camp fut confiée aux SS ; il servit aussi de camp pour la Gestapo de la région de Trèves-Luxembourg.

Entre 1939 et 1945, environ 13 600 prisonniers politiques âgés de 13 à 80 ans furent détenus à Hinzert. Beaucoup n’y faisaient que transiter vers d’autres camps, où la plupart furent exterminés. Parmi eux, des résistants luxembourgeois, des conscrits déserteurs, ainsi que des opposants politiques. On estime que 1600 Luxembourgeois ont été internés à un moment donné à Hinzert, et que 82 y sont morts. Cependant, de nombreux prisonniers y ont également été exécutés. Le 25 février 1944, 23 chefs de la résistance luxembourgeoise ont été fusillés. Le camp était administré, dirigé et gardé principalement par la SS, qui, selon les survivants, était réputée pour sa brutalité et sa cruauté.
Le meilleur ami de Pierre, Léon, y effectua deux ans de travaux forcés après avoir refusé la conscription. Bien que camp de transit, Hinzert fut le lieu de la mort de 321 détenus (résistants compris), souvent par fusillade dans la forêt environnante, noyade ou injection mortelle – certains estiment le bilan encore plus élevé.
Les corps de 78 Luxembourgeois exécutés à Hinzert (résistants pour la plupart), à la prison Klingelpütz de Cologne, ou à la prison de Preungesheim à Francfort furent exhumés et rapatriés au Luxembourg les 9 et 10 mars 1946. Le long de l’itinéraire, des citoyens habillés de l’uniforme à rayures rendaient hommage aux victimes. Ils furent provisoirement déposés sur la Place d’Armes à Luxembourg-ville, en présence de dignitaires, puis inhumés au cimetière Notre-Dame. (Source : Wikipédia)



Photos © Photothèque de la ville de Luxembourg. Auteur : Tony Krier
Chaque année, des cérémonies commémoratives ont lieu à Luxembourg-Ville en hommage à ces événements tragiques.